Mercredi 24 février, Francis Delattre a été conduit à présenter ses "excuses" à Ali Soumaré alors que l'UMP tout entière essayait de se sortir d'un piège qu'elle avait en partie cautionné et qui s'est finalement retourné contre elle.
Vendredi 18 février, le maire (UMP) de Franconville (Val d'Oise) avait publié un communiqué comportant une liste de condamnations judiciaires comme autant de preuves, à ses yeux, que la tête de liste (PS) du Val-d'Oise aux régionales n'était pas "le candidat de la réussite républicaine" que le PS veut bien présenter, mais un "délinquant" dont la "candidature est outrageante pour la démocratie".
"Il ne faut pas chercher plus loin que dans sa personnalité et son penchant pour les méthodes expéditives", explique Arnaud Bazin, le patron (non inscrit) des troupes de droite au conseil général. "Delattre me fait penser à la définition que donnait Pierre Dac de l'agent secret, glisse un parlementaire UMP du Val-d'Oise sous couvert d'anonymat, il tire d'abord, il vise ensuite, il réfléchit après."
"Il aurait mieux fait de tourner sa langue dans sa bouche, soupire un député val-d'oisien du même parti. Mais il est brutal, c'est son tempérament." Les élus de droite, qui le connaissent bien dans le Val-d'Oise, savent depuis longtemps à qui s'en tenir.
Ils le dépeignent comme un "butor", un "bulldozer", mais aussi comme "un républicain, nerveux certes, mais un républicain". M. Delattre, né il y a 63 ans à Naour, petit village de la Somme, n'a pas présenté M. Soumaré, issue d'une famille d'origine malienne, comme un "délinquant multirécidiviste" par conviction "raciste", attestent ses amis politiques.
"LA FAUTE MORALE ET POLITIQUE"
M. Delattre s'est senti "humilié", glisse un député UMP du Val-d'Oise. Il a été "profondément marqué", affirme un autre édile, par les attaques du PS mais aussi de certains, à l'UMP, après qu'il a comparé M.Soumaré à "un joueur de l'équipe de réserve du PSG", le 28 janvier.
M. Delattre n'a pas voulu venger une "soi-disant humiliation personnelle" en attaquant à nouveau, M. Soumaré mais sur son passé judiciaire, s'insurge Antoine Rasséguier, conseiller municipal (PS) de Franconville. "Il avait prémédité son attaque" espérant "la reconnaissance d'une droite locale vieillissante qui ne sait pas comment faire avec la diversité", ajoute l'élu socialiste.
UDF avant de rallier l'UMP, M. Delattre s'est imposé, après la défaite de la droite au conseil général, en 2008, comme l'homme de "la reconquête" du département, soutenu par le patron de la fédération UMP du Val-d'Oise, Jérôme Chartier, un proche de Nicolas Sarkozy.
Dès lors, cet ancien attaché d'administration centrale, qui a décroché son premier mandat de conseiller général en 1979, et qui a arraché Franconville au PCF, en 1983, pense qu'il peut devenir le nouvel homme fort d'une droite qui n'a cessé de perdre des villes aux municipales et voit, à cause de son "immobilisme", le Val-d'Oise se fracturer de plus en plus entre des terres rurales et résidentielles aux confins du Vexin normand, ses quartiers à Sarcelles et Villiers-le-Bel et ses villes nouvelles.
M. Delattre a cru qu'il relèverait le flambeau. Mais toujours avec ses méthodes "peu stylées", selon un élu UMP. En 2008, alors que la droite ne se remet pas de la perte du conseil général, il proclame qu'elle a gouverné le département comme "une amicale de boulistes" et lui reproche de s'être assoupie. Il se met à dos une bonne frange de l'ex-majorité, d'autant plus facilement qu'une partie de ses troupes n'est pas encartée à l'UMP et peu encline à recevoir des leçons d'un maire qui, lui-même, a perdu son canton, en 1988, et n'est plus député après l'avoir été de 1986 à 2007.
"A sa manière, Delattre c'est un monument", concède François Scellier, l'ancien patron (UMP) du département. Il a bossé pour sa ville. Mais je lui dis souvent: "Moi, je suis un Picard des villes, je suis né à Amiens, toi tu es un Picard des champs!" Autant dire que ses manières "rustres", son côté "butor", selon M. Scellier, l'avait déjà fragilisé.
Pour un maire de droite du Val-d'Oise, la "bêtise" de l'affaire Soumaré est une "faute morale et politique". Une faute d'autant plus grave que la tête de liste UMP dans le département, Axel Poniatowski, s'est saisi sans précaution des accusations portées contre Ali Soumaré pour en faire un argument de campagne.
La tolérance des instances régionales et nationales fait que l'UMP ne sait plus comment aujourd'hui sortir de la nasse. Après les élections régionales, les règlements de comptes dépasseront le simple cadre local.
Béatrice Jérôme
Article paru dans l'édition du 26.02.10
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